
L’écriture inclusive en rédaction web, c’est possible ?
|En tant que rédactrices et rédacteurs web, la question s’impose à nous : comment adopter une écriture plus inclusive sur le web tout en répondant aux règles de rédaction dictées par les moteurs de recherche ?
Les origines (pas fun) de la masculinisation
Mais d’abord, revenons aux origines du mâle. Car, si Aya Nakamura a pu performer devant l’Académie française pendant la cérémonie des JO, tirant ainsi un trait d’union entre deux générations, ce n’est pas pour autant que ces défenseurs ardents de la langue française sont prêts à assouplir les règles de grammaire. En France, le masculin l’emporte sur le féminin, et puis c’est tout. Une valeur immuable, vraiment ?
Avant que les langues ne s’échauffent, figurez-vous que cette masculinisation n’a pas toujours été la règle : c’est au 18ème siècle qu’elle s’est imposée. Et ce, pour une raison très simple : « Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte », affirmait le grammairien Bouhours en 1675. Et qui est le plus noble des genres, d’après l’ancien membre de l’Académie française Nicolas Beauzée ? Vous l’avez deviné : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». Voilà, ça, c’était en 1767 et on en est encore là.
Quid du référencement naturel ?
Il semble donc légitime de remettre en question cette règle qui invisibilise plus de la moitié de la population. Mais, en rédaction web, il y a un “hic” qui n’a que faire de nos convictions personnelles : le référencement naturel (ou SEO). En effet, quand un internaute fait une recherche sur internet, il lance une requête. Pour que vos contenus apparaissent dans les premiers résultats, vos mots-clés principaux doivent correspondre exactement aux termes utilisés dans ces requêtes. Or, très peu d’internautes font des requêtes en utilisant l’écriture inclusive ou le féminin.
Nous avons toustes appris à masculiniser les neutres et les pluriels dès notre entrée à l’école. C’est pourquoi nous tapons plus volontiers « agriculteur » que « agricultrice » ou « agriculteur.ice » sur nos moteurs de recherche. Malheureusement, les algorithmes de Google ne savent pas encore associer un mot-clé en écriture inclusive (agriculteur.ice) à une requête non inclusive (agriculteur). Donc, si votre contenu est inclusif, les recherches non inclusives n’aboutissent pas à votre site.
Cependant, ce sont aussi les changements de pratiques des rédacteurs et rédactrices web qui pousseront à faire évoluer les algorithmes.
Alors, comment on fait ?
Les pratiques à éviter pour votre SEO
Éviter les caractères spéciaux
L’écriture inclusive peut prendre plusieurs formes : acteur.ice, acteur/ice, acteur-ice, acteur(ice) et acteur·ice. L’inconvénient majeur cité par ses détracteurs concerne surtout les difficultés de lisibilité. Mais, au-delà d’une affaire de goût, c’est aussi un problème d’accessibilité ! Les lecteurs automatiques pour les malvoyants ne sont pas capables de lire ces caractères. Pour en revenir au référencement naturel, cette écriture n’est pas idéale pour le web, car non reconnue par les algorithmes. Et une fois encore, rares sont les internautes qui taperont « acteur·ice » dans leur moteur de recherche. Sans compter que le point médian n’est pas accessible directement sur leur clavier et nécessite de connaître les raccourcis.
Éviter l’écriture inclusive dans les titrailles
Si vous voulez vraiment optimiser votre référencement naturel, il faut éviter l’écriture inclusive dans vos titrailles et méta-descriptions. Ces balises sont fondamentales pour votre SEO. Idem pour les URLs et vos balises alternatives. En revanche, vous pouvez vous lâcher dans le corps de texte de vos contenus ! Mais en limitant les caractères spéciaux, toujours pour un souci d’accessibilité pour les personnes handicapées. Pas de panique, il y a plein d’autres manières de faire.
En voici quelques exemples.
Ecrire inclusif sur le web, c’est quand même possible !
Piocher dans les termes épicènes
Si c’est pertinent et que ça n’affaiblit pas le sens de votre phrase, vous pouvez piocher dans des synonymes non genrés (épicènes). Par exemple, dans le cadre d’un fonctionnement démocratique, nous pouvons écrire « 1 personne = 1 voix » plutôt que « un Homme = 1 voix ». Ou “internaute” à la place de “utilisateur” !
S’amuser avec les nouveaux mots
Pour éviter la détermination de genre, certaines personnes ont inventé de nouveaux mots. Par exemple : agriculteurice, auteurice… La limite, encore une fois, c’est le référencement : ces mots sont (pour le moment en tout cas) peu utilisés dans les requêtes des internautes. Mais s’ils vous plaisent, pourquoi ne pas en injecter par ci par là dans votre contenu ? Par exemple, un peu plus haut, nous avons écrit “toustes”. Un terme assez simple à utiliser, qui en plus n’est pas un mot clé dans notre article. Si vous écrivez un article de blog sur une pratique agricole, n’hésitez pas à utiliser un maximum de mots clés (agriculture, agricole, culture, etc) pour pouvoir vous permettre d’utiliser “agriculteurice” sans plomber votre SEO. Après, pour ou contre, c’est une histoire de goût !
Faire la paire (de mots)
Une solution facile est de doubler des mots : rédacteurs et rédactrices, agriculteurs et agricultrices… Là aussi, c’est une question de dosage pour ne pas alourdir la lecture. En revanche, l’effet sur le référencement peut être positif : plus long, le contenu contiendra plus d’éléments à analyser pour Google et ses algorithmes.
Accords : oser bousculer les règles
Certaines féministes réclament l’application de la règle de proximité (ou accord de voisinage) : il s’agit d’accorder l’adjectif au genre du nom le plus proche. Par exemple : les garçons et les filles sont petites. On pourrait donc aussi écrire : les filles et les garçons sont petits. Loin d’être une nouveauté, cette règle était utilisée en grec ancien et en latin. L’accord de proximité était même fréquent jusqu’à la fin de la Renaissance, puis la règle de primauté du masculin s’est installée au 18ème siècle pour la raison qu’on connaît. Bref, la langue française a toujours évolué : c’est une langue vivante. Alors pourquoi pas bousculer un peu les règles actuelles ?
Une autre astuce est d’accorder au genre majoritaire dans un groupe. Par exemple, dans une agence de com qui compterait une majorité de femmes, on pourrait dire : « nous sommes heureuses de vous compter parmi nos clients ». Si j’écris une actu sur un évènement qui a réunit 70 % de femmes, je peux écrire : “l’événement a réuni 300 participantes”.
Alterner féminin et masculin
L’auteur Alain Damasio, dans son dernier ouvrage de chroniques « Vallée du silicium », a pris un tout autre parti. « Dans ce livre, les pluriels neutres ont été féminisés une fois sur deux », précise-t-il en page 2. Donc, dans une chronique sur deux, le féminin l’emporte ! Certes, on sort de l’écriture web et des contraintes de référencement. Mais chez Appaloosa, nous avons quand même testé sur un article de notre site web « la communication agricole ». Bien sûr, ces articles seront un peu moins bien référencés. Mais encore une fois, pour faire changer les algorithmes, il faut que nous changions aussi nos habitudes.
Un mixte d’un peu tout ça
Une pincée de mot épicène, une cuillerée de mots doubles, quelques centilitres de règle de proximité… dans cet article, l’autrice a mélangé plein de choses, pour mettre en pratique et s’amuser. Evidemment, le mieux est de faire un choix clair et de s’y tenir tout du long. On vous laisse tester à votre tour !
Sources
• Le Monde ; genre, le désaccord
• Rédacteur.com : écriture inclusive et SEO, est-ce possible ?